Ce texte …

Résumé:
Dans ce travail, je prends le cas d’Alex Jones et son audience pour se pencher sur le lien entre le phénomène conspirationniste et le processus d’enquête, la critique sociale et l’aliénation. Plus précisément, l’enjeu est de problématiser théoriquement le conspirationnisme comme une des conséquences potentielles et pathogènes du malaise induit par ‘l’expérience de la négation face au monde troublé’1. Je définis ainsi Alex Jones et son audience comme une communauté de pseudo-enquête d’extrême-droite, où le conspirationnisme se substitue à l’enquête au sens fort, et à la critique sociale émancipatrice.


En novembre 2022, les sanctions juridiques contre le conspirationniste Alex Jones – pour avoir porté atteinte aux familles des enfants décédés lors de la fusillade dans l’école primaire de Sandy Hook (dans l’État du Connecticut) il y a près de dix ans – ont été définis à la hauteur de plus d’un milliard de dollars (Collins 2022). Quelques semaines plus tard, un autre scandale fit parler de lui: le rappeur Kanye West et le néo-fasciste catholique Nick Fuentes furent invités sur son programme, où « Ye » (nom légal de Kanye West) déclara son admiration pour Adolf Hitler (Ramirez & Bort 2022).

Si ces nouvelles sont particulièrement saillantes, c’est parce qu’elles illustrent l’ampleur de l’impact destructif qu’a eu et qu’a encore aujourd’hui Alex Jones sur la société étatsunienne à travers son empire médiatique, qui dure depuis une vingtaine d’années. La question du conspirationnisme2 est devenue omniprésente depuis une dizaine (ou vingtaine) d’années, mais il n’y a pas eu beaucoup de réflexion là-dessus à partir de la théorisation de l’enquête chez les auteurs pragmatistes tels que John Dewey et Charles Sanders Peirce. C’est l’objectif de ce court travail, qui ne se limitera cependant pas au cadre conceptuel de ces deux auteurs qui n’ont que très partiellement abordé cette problématique.

Le phénomène Alex Jones

Un multi-millionnaire issu d’une longue tradition réactionnaire anticommuniste aux États-Unis, Jones constitue un exemple puissant de ce que Julien Giry a appelé le leader conspirationniste, c’est-à-dire « la manifestation contemporaine de l’idéal-type wébérien du prophète charismatique incarnant un réenchantement conspirationniste du monde » (Giry 2014: 199). Le rôle de ce dernier est « de définir lui-même les termes du complot qu’il entend combattre » en fournissant à son audience, lorsqu’il y a des événements saillants tels que les attentats du 11 septembre 2001, ou des fusillades comme en 2012 à Sandy Hook, des «interprétations cryptologiques et réinscrites dans un méta-récit conspirationniste »(Giry 2014: 1353). C’est ce que confirment les études sur Alex Jones (Shilstone 2018, Brière 2021, Hyzen & Van den Bulck 2019, 2020, 2021, Madison et al. 2019, 2020, Robertson 2015).

Le niveau de popularité de Jones est en outre tragiquement illustré par le fait que Lenny Pozner, le père d’une des victimes du massacre à Sandy Hook, a affirmé qu’il avait lui-même probablement écouté l’émission radio de Jones lorsqu’il conduisait ses enfants à l’école le matin-même du jour où ça s’est passé (Wiedeman 2016).

Le conspirationnisme comme fil conducteur d’un idéologue d’extrême-droite

Le style discursif et rhétorique d’Alex Jones est fondé sur deux dimensions qu’il est souvent difficile à distinguer: un cynisme capitaliste cherchant à tout prix à inciter son audience à acheter ses produits (ou ceux des sponsors pour lesquels il fait de la publicité), et un véritable système de croyances, une idéologie qu’il promeut. Nous reviendrons brièvement sur le premier aspect ci-dessous, mais il ne fait aucun doute que malgré sa tendance à se mettre en scène sous les angles les plus grotesques, Alex Jones ne correspond pas à un simple opportuniste prêt à défendre n’importe quelle cause pour arriver à ses fins ou faire avancer sa carrière. Au contraire, il s’inscrit dans une tradition d’extrême-droite qui remonte en tout cas à la John Birch Society selon laquelle, par exemple, Eisenhower était secrètement un communiste.

L’ensemble de l’idéologie raciste, anticommuniste, antisémite et masculiniste (pour ne pas dire simplement fasciste, même si on pourrait le justifier facilement4) de l’extrême-droite aux États-Unis est fondé sur un rapport au monde conspirationniste, qui constitue en quelque sorte le fil conducteur fédérant ses différentes parties et traversant ses différents courants.5 Comme l’a montré Giry (2014), la culture populaire et politique étatsunienne a été marquée depuis la guerre d’indépendance par un fort registre conspirationniste basé dans un ethos populiste: le métarécit du complot oppose toujours un peuple (sous-entendu blanc, il faut le préciser) honnête qui serait trompé et attaqué par des élites nationales et internationales. Sous bien des aspects, Alex Jones et son entreprise médiatique incarnent fidèlement cette tradition, à cela près qu’il s’agit d’un milieu profondément raciste et donc distinct de l’imaginaire conspirationniste afro-américain (Giry 2014: 134).

Sans être exhaustif6, il nous faut néanmoins justifier et expliciter en quoi Alex Jones constitue un idéologue d’extrême-droite. En effet, d’une part Jones lui-même pendant de nombreuses années (il n’y a pas forcément de date de changement spécifique, mais peut être jusqu’à l’arrivée de Trump au pouvoir), et de manière plus inquiétante, une bonne partie des analyses médiatiques et académiques à son sujet, d’autre part, ont affirmé qu’il n’appartenait spécifiquement ni à la gauche, ni à la droite.

Or, en tout cas depuis le siècle passé l’extrême-droite a été marquée sous plusieurs aspects par un certain syncrétisme idéologique et politique. Ce n’est pas pour autant que les approches politiques marquées par l’anti-égalitarisme, l’anticommunisme, le culte de la violence et l’ultra-nationalisme (et donc l’impérialisme voire l’éliminationisme), ne font pas partie de l’extrême-droite.7 L’extrême-droite – qui ne se limite pas au fascisme qui n’en est qu’une des formes (on peut également mentionner les différents fondamentalismes religieux, le royalisme, l’éliminationisme, et le populisme) – est bien une partie de la droite politique car elle constitue une version radicalisée de celle-ci. La droite est fondée sur le fétichisme d’une identité collective qui fait l’objet d’un chauvinisme8 notamment contre un ennemi extérieur et/ou intérieur, l’anti-égalitarisme en termes sociaux (la naturalisation des inégalités) et politiques (la valorisation de l’autorité et de la hiérarchie), et l’autoritarisme (répression et maintien de l’ordre autocratique, militarisme) (Fuchs 2019: 1-4). L’opposition brutale au mouvement ouvrier et surtout l’antisocialisme et l’anticommunisme en sont un autre aspect constitutif.

L’extrême-droite se distingue de la droite conservatrice dans l’ampleur que prennent ces différentes dimensions, mais précisément les délimitations entre celles-ci ne sont pas toujours fixes ou stables, comme le montre par exemple leur rapport à la démocratie. Les fascistes des années 1920-1940 voulaient détruire le système démocratique, mais ils s’appuyèrent néanmoins sur les élections (dans le cas allemand) et différentes modalités légales-politiques préexistantes pour se hisser au pouvoir (plutôt que simplement prendre le pouvoir par un coup d’État militaire). De même, le néofascisme et le populisme d’extrême-droite depuis l’après-guerre ont souvent tenté de participer au processus électoral et démocratique, comme on a pu le voir durant les dernières décennies. Alain Bihr définit ainsi la « structure permanente de la pensée d’extrême-droite » comme articulant « trois concepts, valeurs et thèmes essentiels: l’identité, l’inégalité et la pugnacité ». Elle se déploie « autour de trois opérations clefs » (Bihr 1999: 16):

Le fétichisme de l’identité collective, l’érection de l’inégalité en catégorie ontologique et axiologique primordiale, l’exaltation de la lutte comme principe existentiel et politique, éthique et esthétique (Bihr 1999: 9-10)

C’est notamment cette radicalisation guerrière qui caractérise l’extrême-droite: si la droite politique sera moins enclin à inciter ou entreprendre des violences paramilitaires ou terroristes, l’extrême-droite ne s’en cache pas. L’ennemi – intérieur (la « cinquième colonne » et mouvements de gauches, diverses minorités dont la communauté LGBTQ, les musulmans, les juifs) ou extérieur (« l’envahisseur »étranger, souvent là-aussi musulman, ou les pays ennemis/rivaux au niveau géopolitique) – doit être attaqué directement (persécution, terreur, expulsion, élimination) pour « purifier » l’ordre social-national.

L’extrême-droite est elle-même marquée par une « contradiction constitutive » entre deux approches qui cohabitent en son sein, à savoir une tendance conservatrice et traditionnaliste mettant l’accent sur le maintien d’un « ordre naturel », et une tendance (contre-)« révolutionnaire » cherchant à « construire un “ordre nouveau” en faisant table rase de l’ordre ancien, produit de la décadence et de la dégénérescence de la communauté de référence » (Bihr 1999: 39-40).9

Ce détour conceptuel permet d’expliciter à présent l’idéologie spécifique d’Alex Jones, qu’il diffuse depuis plus de vingt ans par radio et internet. Contrairement à certaines analyses qui se limitent à la forme (style conspirationniste) en négligeant le contenu (réactionnaire voire fasciste) de sa rhétorique, Jones est donc (comme Lyndon LaRouche, qui incarne encore plus le syncrétisme caractérisant certaines formes de fascisme10) non seulement lié à la droite conservatrice étatsunienne, mais se situe lui-même à l‘extrême-droite. Comme l’explique Chip Berlet (2008):

Fears of global cooperation gained an increased following in the 1990s as conspiracy theories, the Patriot Movement and armed militias and libertarian ideology intersected and flourished. This period also saw the collapse of the Soviet bloc, President Bush using the phrase “New World Order” to describe his administration’s vision, and the approach of the year 2000 which sparked speculation about the approaching End Times among some Christian fundamentalists. All of this fed into Patriot movement speculation about conspiracies as the new millennium approached.
The Patriot movement today is one current manifestation of what in the past has been called “Americanist” or “Nativist” movements. It is composed of an overlapping series of dissident right-wing social and political movements located between mainstream conservatism and the ultra-right that is itself made up of neonazis, the Ku Klux Klan, and other similar militant and openly white supremacist and antisemitic racist groups.
During the height of the Militia Movement —the short-lived armed wing of the larger “Patriot” movement that crested in the mid-1990s—there were widespread fears that the U.S. federal government was about to impose a draconian tyrannical dictatorship using jack-booted thugs delivered in black helicopters sent by the United Nations.
Patriot group activists are constantly stepping across boundaries into mainstream conservatism on one side or the ultra-right on the other, depending on the historic moment, political events, and shifting ideology. Especially during the heyday of the Militia movement in the ‘90s, there were close ties between the Patriot movement and conservative Christian evangelicals.

Le conspirationnisme d’Alex Jones est donc une partie constitutive de son idéologie populiste d’extrême-droite (voire fasciste), pointant du doigt un ensemble de groupes (les « Globalists », les personnes trans, les immigrants, les antifascistes et les communistes) ou de figures (George Soros, Hillary Clinton, Barack Obama, Karl Schwaub) comme des forces « parasitaires » ou subversives devant être confrontées violemment et éliminées pour maintenir ou faire renaître l’ordre de la nation. Comme l’indique le brève mise en contexte de Berlet (2008, 2009) dans la citation ci-dessus, son engagement politique et son discours idéologique s’inscrivent dans la nébuleuse étatsunienne réactionnaire comprenant le (néo-)survivalisme, la droite chrétienne fondamentaliste (évangélique et millénariste), le(s) mouvement(s) milicien(s)/paramilitaire(s), et les néo-fascistes (néo-nazis) et suprémacistes blancs (KKK).

Jones a parfois essayé de prétendre de ne pas être ou être d’accord avec de tels formes d’extrémisme (par exemple en ce qui concerne l’antisémitisme très présent dans ces milieux); mais dans de nombreuses autres instances, ce voile de prétension – qui constitua également pendant un certain temps à revendiquer le statut « ni gauche ni droite » – tombe complètement. L’exemple cité en introduction, lorsque le fasciste catholique Nick Fuentes fut invité (aux côtés de Kanye West) sur son programme, est parlant: dans une interaction marquée par des propos extrêmes et antisémites de la part de ses deux invités, Jones tenta parfois de dire « tu vas trop loin, tu es obsédé par Hitler ». Mais qui avait choisi de les inviter?

L’empire médiatique-commercial InfoWars

Au cours du 20ème siècle aux États-Unis, plusieurs figures firent émerger l’articulation d’une rhétorique populiste (et souvent anti-communiste et anti-sémite) et d’un modèle commercial fondé sur la vente de pseudo-remèdes qu’Alex Jones a perfectionnée (voir l’ouvrage de Juhnke 2002). Un exemple particulièrement saillant est le cas de John R. Brinkley (Branyan 1991, Brock 2008), un charlatan auquel on attribua le surnom de « goat-gland doctor » à cause de des opérations de xénogreffe de testicules de bouc qu’il recommandait – et effectua lui-même, sans aucune supervision ou expertise – comme remède contre l’impotence sexuelle masculine et toutes sortes d’autres maux. Mais sa ressemblance à Alex Jones provient d’autant plus du fait qu’il fut un pionnier de l’utilisation de la radio pour propager une propagande à la fois populiste/politique et commerciale (pour une histoire de ce phénomène de « Border Radio » aux États-Unis, voir Fowler & Crawford 2002), et Brinkley s’appuya lui aussi sur sa popularité construite par ce biais pour s’engager en politique. Comme Jones, sa carrière politique-commerciale le rendit multi-millionnaire, en exploitant également les dégâts sociaux causés par une crise financière et une récession majeure. Le discours alarmiste de Brinkley était par ailleurs antisémite, et un il fut un admirateur d’Hitler. La seule différence majeure entre Brinkley et Jones, c’est que ce dernier ne pratique pas la xénogreffe de testicules de bouc…

La carrière médiatique d’Alex Jones commença à la fin des années 1990 lors de l’émergence du « talk radio » (Berry & Sobieraj 2011, cité dans Hyzen & Van den Bulck 2020: 50). Viré en 1999 à cause de ses opinions politiques (qui déplaisaient aux publicitaires de KJFK, une radio à Austin, au Texas), il lança son propre programme radio en ligne, intitulé The Alex Jones Show (AJS). Il lança également son site InfoWars qui constitue aujourd’hui encore, avec le AJS, le centre de son empire médiatique. Dans la décennie qui suivit, la popularité d’Alex Jones et de son programme (auquel il ajouta un émission télévisée, diffusée en ligne) augmenta progressivement, alimentée notamment par les réactions conspirationnistes et paranoïaques provoquées par des évènements majeurs tels que les attentats du 11 septembre 2001, l’invasion de l’Iraq et la présidence de Barack Obama.

En 2010, son programme radio était écouté par environ 2 millions d’auditeurs, et Jones tira profit de l’émergence des médias sociaux pour accroître davantage son audience, en particulier via Twitter, Facebook et YouTube (Hyzen & Van den Bulck 2020: 50). Le sommet de sa popularité et d’ampleur de son empire multimédias coïncida – selon les chiffres ou estimations disponibles – avec la présidence de Donald Trump: en 2017-2018, son programme était écouté par deux millions d’auditeurs hebdomadaires, avec aussi plus d’un milliard de vues sur YouTube et vingt millions de visites mensuelles sur son site (Hyzen & Van den Bulck 2021: 180). Malgré un déclin relatif depuis la fin de 2018 à cause des poursuites judiciaires liées à l’affaire Sandy Hook et de son expulsion de plusieurs plateformes de médias sociaux, Jones reste une figure majeure de l’extrême-droite américaine, participant notamment à l’attaque du Capitole le 6 janvier 2021.

Comme le soulignent l’ensemble des commentaires et analyses sur Alex Jones, il a indubitablement maîtrisé l’art d’exploiter les médias dans leurs formes multiples, des programmes radio-télévisés initiaux aux streaming et plateformes numériques. Comme l’expliquent Hyzen & Van den Bulck (2020: 51):

[He] repackages [his] content to fit web and social media formats, markets and algorithms. Every day, new material is re-edited into shorter videos befitting social media like Facebook and YouTube. Algorithmic sorting and recommendation systems make sure this reaches a wide audience (Wong, 2018). So, rather than social media simply ‘making’ Alex Jones, he uses social media as amplifiers of his right-wing alternative media enterprise, itself a tool in spreading his message as ideological entrepreneur.

Selon l’enquête de Seth Brown (Brown 2017), jusqu’à 2013 son modèle d’affaires était basé sur la vente de temps d’antenne aux annonceurs, de livres écrits par d’autres figures conspirationnistes, et des DVDs de ces documentaires, de souscriptions à son site de streaming en ligne (PrisonPlanet.tv) diffusant ses émissions en temps réels. À partir de la fin de 2013, il changea de stratégie commerciale en lançant InfoWars Life, tirant dès lors sa principale source de revenus de la vente d’un ensemble de produits tels que des suppléments alimentaires douteux et autres pseudo-remèdes, ce qui lui rapporta beaucoup plus dans les années suivantes. Ses recettes annuelles auraient ainsi doublé entre 2013 (10 millions de dollars) et les années 2014-2017 (vingt millions de dollars, par an). Robertson (2015: 92) décrit plus précisément en quoi consiste ce modèle commercial:

The conspiracist marketplace addresses two concerns of their consumers: first, how can I avoid the machinations of the elite?, and what can I do if society does collapse? The first is answered by a range of products designed to prevent the individual from being controlled by the conspiracy through cleansing their body and environment of the toxins alleged to be weakening their immune systems, actively spreading disease, and stultifying their brains. The second concern is addressed by merchants who offer storable food, water, and other equipment designed to sustain the individual in the event of a collapse.

En lançant sa propre ligne (InfoWars Life) de vente de produits visant ce public survivaliste, Jones a perfectionné son modèle médiatico-commercial de monétisation de la paranoïa dont la propagande d’InfoWars est un catalyste. Il s’agit plus généralement de l’exploitation du sentiment d’être assiégé par les forces obscures de la modernité qui est très présent et reproduit dans les milieux conservateurs aux États-Unis: à mi-chemin entre le chauvinisme blanc remontant à l’expansion génocidaire contre les peuples indigènes et à l’esclavagisme, le fondamentalisme protestant et évangélique marqué par un autoritarisme patriarcal, et l’anticommunisme anxiogène issu du siècle passé. Cela prend notamment la forme d’un d’un répertoire imaginaire, symbolique et performatif que Kelly (2016) a défini comme la « masculinité [ou virilité] apocalyptique » (apocalyptic manhood)11. Cet ethos masculiniste et survivaliste n’est pas limité au contexte américain puisqu’on le retrouve dans l’extrême-droite européenne, par exemple chez quelqu’un comme Jean-Marie Le Pen.12

L’appel à un désir d’incarner – ou plutôt de performer – cette masculinité apocalyptique est évident dans des produits tels que les pilules « Brain Force Plus » (censées décupler les capacités cognitives) et « Super Male Vitality » (censées « booster » la testostérone) (voir Robertson 2015 pour une discussion plus détaillée du modèle commercial d’Alex Jones). Le fait d’attacher ces produits à un métarécit conspirationniste qu’il réaffirme presque quotidiennement permet à Jones de les vendre à des prix supérieurs à ceux des versions similaires existant sur le reste du marché (survivaliste) (Hyzen & Van den Bulck 2020: 52).

Pseudo-enquête, pseudo-critique et pseudo-émancipation

Si nous avons jusqu’ici traité essentiellement de la figure qu’est Alex Jones – comme leader conspirationniste et entrepreneur tant au sens de capitaliste (marchand) que comme idéologue d’extrême-droite – et du discours qu’il produit et diffuse, l’intérêt de ce cas réside plus fondamentalement dans ce que représente son audience d’un point de vue sociologique.

Et plutôt que de se concentrer sur les caractéristiques socio-économiques ou socio-démographiques de cette communauté – que l’on qualifiera de communauté d’enquête elle-même située dans et chevauchant un ensemble d’arrière-plans de socialisation (famille, milieux conservateurs, église, droite politique, réseaux d’extrême-droite ou conspirationnistes) -, l’enjeu est à présent de l’analyser à la suite de la tradition pragmatique en termes d’enquête (Peirce 1984 [1877], Dewey, 2010 [1927] ; 1967 [1938]) ou de « traitement social de l’incertitude » (Boltanski 2009). Pour rendre compte de la relation entre conspirationnisme et processus d’enquête, cette approche pragmatiste (pragmatisme américain d’une part, et sociologie pragmatique de Luc Boltanski, qui a lui-même abordé la question du conspirationnisme, dans Boltanski 2012, d’autre part) sera en outre complétée à partir de certaines contributions pertinentes de la théorie critique (Löwenthal & Guterman 2017 [1948], 2019 [1948], Horkheimer & Adorno 2002 [1947], Gimenez & Voirol 2017, Voirol 2017, 2022b, Postone 1986, 2006).

Le conspirationnisme est-il une forme d’enquête?

Charles S. Peirce et John Dewey théorisent l’enquête comme le « processus d’investigation et de resignification mené à partir du trouble du monde » (Voirol 2022a: 21). Le point de départ est un trouble rencontré dans l’expérience ordinaire, lorsqu’on rencontre dans celle-ci une situation dont le caractère indéterminé induit un doute et une inquiétude. Peirce et Dewey ne conçoivent pas l’enquête comme un processus atomisé concernant simplement les individus, mais également comme un phénomène collectif: ils se réfèrent ainsi aux diverses communautés d’enquête traversant le monde social, à savoir tout groupe d’individus engagés dans un processus d’enquête sur des situations problématiques. La démarche d’enquête doit normalement converger vers des conceptions (ce que Peirce appelait les « croyances ») communément partagées.

Dans le cas du conspirationnisme, il importe de se demander si le processus d’enquête est 1) évité, rejeté tout court, ou 2) si, ayant bien été entrepris, il est dévoyé, détourné. Dans les deux cas, il s’agit d’un échec de l’enquête au sens pragmatiste, car Peirce et Dewey insistent sur le fait qu’il s’agit d’un engagement continu avec la réalité effective, alors que les conspirationnistes rompent toujours avec celle-ci à un moment donné. C’est pourquoi l’on peut parler de communautés de pseudo-enquête, notion que l’on peut lier à ce que Peirce (1931 [1896]: 56-58) appelait le sham reasoning13, simplement le fait de se lancer dans un processus d’enquête non pas avec l’esprit ouvert et pour découvrir la vérité, mais pour défendre une conclusion ou croyance préexistante (ce n’est alors pas une véritable enquête au sens normatif de l’approche pragmatiste). L’autre caractéristique de la pseudo-enquête est identifiée par Susan Haack (1998: 8-9), selon qui cet aspect est aussi implicite chez Peirce: le fake reasoning correspond à l’enquête entreprise parce que l’acteur est convaincu que cela lui permettra d’arriver à ses buts et intérêts spécifiques, tels qu’avancer sa carrière ou sa réputation. L’enquêteur est alors indifférent par rapport à la découverte de la vérité. Par exemple, Giry (2015) analyse – en mobilisant la distinction wébérienne entre le « dilettant » et le « professionnel » – les « trajectoires de radicalisation et de professionnalisation de deux groupes de citoyen(ne)s enquêteur(rice)s » conspirationnistes: les « warrenologues » (suite à l’assassinat du président J. F. Kennedy) et les « truthers » (suite aux attentats du 11 septembre 2001).

Les clés conceptuelles pour comprendre en quoi le conspirationnisme d’une communauté telle que l’audience d’Alex Jones (pour laquelle il fait figure de « prophète charismatique ») représente une pseudo-enquête ou enquête tronquée sont fournies par Boltanski (2012, chap.V) et Voirol (2022b). Boltanski décortique de manière très intéressante la notion de paranoïa, et notamment l’expression de « style paranoïde » (paranoid style) de Richard Hofstadter, quia profondément marqué l’analyse de phénomènes tels que le conspirationnisme. Comme le soulignent Boltanski et Giry (2018), l’interprétation psychopathologique et conservatrice d’Hofstadter est problématique14, mais Boltanski (2012) retraduit la notion de paranoïa en termes pragmatistes:

[L’]accentuation mise [par Dewey] sur l’action située lui permet d’identifier comme « pathologiques » les personnes dont le doute est incessant et qui, à chaque instant, mettent en place des enquêtes, alors que la situation n’a « rien en soi de confus ou d’obscur », ce qui témoigne, dit Dewey, d’un retrait par rapport à la réalité15

Le conspirationnisme peut ainsi être conçu comme « l’enquête interminable des “paranoïaques” » », dans la mesure où le travail de resignification n’aboutit jamais à un retour – temporaire – à un « rapport habitué au monde », « sur le mode de l’évidence pratique », lorsqu’il « redevient suffisamment intelligible pour permettre au sujet de “baisser la garde” » (Voirol 2022a: 22). Boltanski estime en outre que la « question de la vraisemblance » (des énoncés) dans les récits conspirationnistes, se pose différemment selon qu’il s’agisse de leurs émetteurs (par ex., Alex Jones) ou de leurs récepteurs (par ex. l’audience d’InfoWars). L’auteur des théories complotistes16 adopte l’identité du savant ou de l’expert (indépendamment de ces qualifications ou titres reconnus – ou absents), avec une forte volonté de donner à ses démonstrations une apparence de rigueur scientifique ou journalistique. Comme le dit Boltanski, ces acteurs « opposent fréquemment [aux critiques que leur adressent des experts légitimes] un système de défense qui consiste à étendre le soupçon, notamment en mettant en cause la clairvoyance ou la sincérité de leurs opposants. »

Comme l’a amplement documenté Dan Friesen dans son podcast Knowledge Fight (Friesen & Holmes, 2017-présent) dédié à l’analyse critique de l’émission de Jones, il y a chez lui une véritable esthétique et performativité de l’enquêteur intrépide et non-conformiste (avec l’image du lanceur d’alerte; Jones fait par ex. souvent appel à la mythologie nationaliste étatsunienne en se comparant à Paul Riviere17), dénonçant et résistant aux injonctions et complots tant d’un gouvernement national perçu comme tyrannique, que de l’élite mondiale à laquelle ces autorités seraient soumises.

D’autre part, Boltanski contextualise la particularité des récepteurs de ces récits conspirationnistes18, qui sont généralement ni engagés dans la conception de ceux-ci, ni dans les événements auxquels ils se rapportent, ni « aux prises avec les situations problématiques de la vie quotidienne – [plongés] dans une “expérience ordinaire” ». La performativité de l’enquêteur dissident combattant les forces complotistes se prolonge ainsi dans la communauté conspirationniste (dans notre cas, l’audience et tous/toutes personnes prenant part à InfoWars), qui se prend au jeu et à l’excitation procurée par le « dévoilement d’une énigme, sans doute d’autant plus troublante que l’information est donnée par une agence officielle »19. C’est le caractère ludique de la pseudo-enquête conspirationniste.

Voirol (2022b) propose quant à lui une reconstruction critique – via la théorie de l’enquête – de la notion de la résonance issue de la théorie d’Hartmut Rosa20. Il décline le processus d’enquête en trois moments: la négation (non-résonance au monde faisant émerger un trouble, signant « l’incapacité des sujets à agir dans et “avec” le monde », p. 121), l’exploration (tâtonnement cherchant à qualifier le caractère trouble d’une situation) et la problématisation (identification du problème qui peut alors être traité et résolu). L’expérience de la négation, dit-il, peut induire deux types de réactions, dont seule l’enquête au sens fort permet de tenter d’entrer en résonance avec, et « d’assimiler » dans les termes de Rosa, le monde. D’autres attitudes – constituant une non-enquête (notre terme de pseudo-enquête souligne la prétension et performativité, ce qui n’empêche pas qu’il ne s’agisse pas d’une enquête au sens normatif de Peirce et Dewey) – « ont (…) pour effet de maintenir, voire d’accroître la dissonance avec le monde – elles conduisent donc à un approfondissement de la “perte du monde” et “de la perte de soi” » (p. 124). Il s’agit donc du retrait par rapport à la réalité dont parlait Dewey, et Voirol mentionne quatre types d’attitudes possibles, dont nous retiendrons deux pour notre cas: le trauma, le déni, le détournement, et le renoncement (p. 122-124).

Le déni peut s’appliquer partiellement à la communauté InfoWars, car le négationnisme est central à une partie importante des cadrages ou récits conspirationnistes, comme par exemple, dans le cas d’Alex Jones, le déni de certaines fusillades (celle de l’école primaire de Sandy Hook en 2012) ou d’autres événements (attaques à gaz chimique par le régime de Bachar al-Assad contre la population syrienne). Néanmoins, Voirol parle ici d’une forme de déni plus restreinte que ce que comprend le phénomène négationniste, qui n’est pas limité – et dont les nuances ne peuvent pas être comprises en le réduisant – à un simple déni complet de la réalité (l’exemple classique étant le négationnisme de l’Holocauste, qui ne consiste pas simplement à nier que celle-ci a eu lieu).

En effet, tant pour des attentats terroristes (11 septembre 2001, Marathon de Boston en 2013) que pour des fusillades comme le massacre à Sandy Hook, le récit conspirationniste d’Alex Jones consiste davantage à un détournement, où le trouble n’est pas nié mais l’attention est détournée sur d’autres thématiques. La rhétorique et le cadrage thématique en termes de « false flag »21 – des coups montés par les acteurs du complot (les Globalistes, le gouvernement étatsunien, George Soros), qui viseraient à tromper le public – est ainsi très présente dans la propagande de Jones, dans tous les exemples mentionnés. Par exemple, le complot qui serait caché derrière la tragédie de Sandy Hook22 serait d’avoir mis en scène ce massacre, pour scandaliser le public qui serait alors plus enclin à accepter des confiscations des armes à feu par le gouvernement, signe ultime de la tyrannie selon le mouvement conservateur contemporain23 aux États-Unis.

La pseudo-enquête de la communauté InfoWars comme réenchantement conspirationniste et réactionnaire du monde

Les travaux de Voirol (2022b) et de Löwenthal & Guterman (2019 [1948]; voir aussi Gimenez & Voirol 2017, Voirol 2017) nous permettent d’ouvrir la discussion sur le processus d’enquête et son dévoiement conspirationniste ou réactionnaire, à une analyse à partir de la théorie critique. Ils font le lien entre l’aliénation – au sens de la « perte du monde » et de la « perte de soi » – et de telles dérives destructrices qui entravent le processus d’enquête (au sens pragmatiste), de critique sociale et de pratique émancipatrice (dans la tradition critique).

Dans leur analyse classique de « l’agitation fasciste », Löwenthal et Guterman soulignent ainsi que les acteurs populistes d’extrême-droite contribuent à la radicalisation de certains groupes de la population en orientant leur malaise face aux contradictions bien réelles de la société contemporaine, non pas dans une voie de prise de conscience critique et émancipatrice, mais de nihilisme autoritaire et auto-destructeur (Löwenthal & Guterman 2019 [1948]: 256).

Cette substitution du conspirationnisme à la critique des causes et origines sociales et structurelles du malaise du sujet moderne peut prendre diverses formes, comme par exemple un certain antisémitisme – latent ou explicite – dont Adorno et Horkheimer (2002 [1947]) et, plus tard, Postone (1986, 2006), ont souligné le caractère pseudo-emancipateur. On retrouve dans cette dimension dans l’antisémitisme de Jones, par exemple dans sa critique des « Globalists » (qui serait le groupe mondial de conspirateurs), qui est néanmoins mélangée avec des registres bien plus anciens issus de l’antijudaïsme chrétien du Moyen-Âge:

On the surface, a non-careful listener may hear Alex discuss the Globalists and just assume that he’s talking about the harsh, impersonal power system that we have in place, and the corporate forces that take advantage of unchecked capitalism to dominate underprivileged classes domestically and exploit third world populations abroad. They may associate his rhetoric with those very real issues, and accept his premise without any further analysis. A closer look at these « Globalists, » however, reveals that what Alex Jones has based his worldview on is little more than repackaged antisemitic propaganda that dates back to at least the year 1100, and likely before. (Friesen 2017)

Pour conclure, le diagnostic sociologique formulé par Julien Giry sur le phénomène conspirationniste est à mon sens très pertinent:

[Le] développement exponentiel du référentiel conspirationniste doit s’interpréter comme une réponse de défiance face aux référentiels sociopolitiques et moraux traditionnels d’interprétation d’un monde complexe, multipolaire et globalisé ; il devient alors un mode d’explication populiste du monde et de ses événements, simpliste et manichéen, audible et compréhensible par tous et chacun. De cette manière, par homologie aux nouveaux mouvements religieux, en rejetant la nature complexe inhérente à tout fait social, à toute interaction humaine dans un monde incertain et ouvert, le mode d’explication conspirationniste devient une sorte de refuge pratique capable de recevoir et de projeter l’ensemble des craintes et angoisses engendrées par le monde occidental en crise économique et mutations identitaires. En somme, il se produit, à la faveur d’une prise de distance voulue (radicalisation politique) ou subie (incertitude, incompréhension, « violence symbolique ») de la part d’un certain nombre d’acteurs sociaux à l’égard du système politique, institutionnel et moral, c’est-à-dire un phénomène sociologique d’aliénation politique, un ré-enchantement conspirationniste du monde. (…) [Le] conspirationnisme devient, pour d’autres, à l’époque contemporaine, un prisme d’autorité concurrent et légitime d’explication et d’interprétation des phénomènes sociopolitiques de toutes natures. (Giry 2014: 9-10)


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